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PRESSE / Retour sur quatre mois de crise chez France Telecom (Challenges)

Publié le par Orange Stressée

Alors que France Télécom fait face à une vague de suicides (24 en 18 mois), Challenges.fr revient sur ces quatre derniers mois, au cours desquels des mesures ont été adoptées et une prise de conscience semble s'être établie

14 juillet: Un salarié de France Télécom se suicide à Marseille. Dans une lettre laissée à sa famille, la victime met en cause son travail au sein du groupe et dénonce la "surcharge de travail" et le "management par la terreur"."Je me suicide à cause de mon travail à France Télécom. C'est la seule cause", écrit le salarié, fonctionnaire âgé de 51 ans, qui a mis fin à ses jours à son domicile. La nouvelle est annoncée le 27 juillet par des sources syndicales. Le ministre du Travail Xavier Darcos réagit le 29 sur RTL, jugeant que la crise accentuait "l'effet de déshumanisation dans le monde du travail". Mais si le cas du salarié de France Télécom est "dramatique", "il ne faut pas non plus généraliser les choses", affirme alors le ministre.

30 juillet: France Télécom voit son chiffre d'affaires et son bénéfice net reculer au premier semestre, sous l'effet de la crise et des baisses de tarifs imposées par la régulation, mais en renforçant son programme d'économies, il prévoit d'atteindre ses objectifs financiers annuels. Ses revenus ont baissé de 3,2% à 25,458 milliards d'euros, tandis que son bénéfice net a glissé de 4,3% à 2,559 milliards.

4 août: Six syndicats de France Télécom (CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO, Sud) envoient une lettre au président du groupe, lui demandant de "prendre en considération" le problème de la souffrance au travail et des suicides de salariés, et d'entamer des négociations sur le stress dès la rentrée.

12 août: Nouveau suicide d'un agent dans son garage à Besançon. Nicolas G., 28 ans, célibataire et sans enfant, exerçait des fonctions de technicien télécoms à Besançon. Pour le parquet de Besançon, il est "impossible" d'établir un lien formel de causalité entre les problèmes professionnels et le geste de ce salarié, à la lecture du courrier laissé par le salarié.

26 août: La direction de France Télécom s'engage à "l'ouverture rapide d'une négociation" sur le stress au travail au sein du groupe, après avoir rencontré les syndicats la veille. Les négociations porteront sur "la déclinaison dans le groupe des dispositions de l'accord interprofessionnel sur le stress", conclu par le patronat et les syndicats en juillet 2008.

7 septembre: Une source syndicale annonce qu'un salarié de France Télécom de Lannion (Côte d'Armor) s'est suicidé fin août, un décès que la CFDT met en "lien direct" avec les méthodes de management dans l'entreprise. Michel, âgé de 53 ans, marié, trois enfants, qui s'est suicidé dans la nuit du 29 au 30 août, occupait un poste de technicien à Lannion en charge de la validation d'équipements de transmission pour le haut débit.

9 septembre: Un technicien du centre d'intervention de Troyes tente de se suicider lors d'une réunion d'équipe en se plantant un couteau dans l'abdomen. Il venait d'avoir confirmation par sa direction que son poste était supprimé. Le salarié est un fonctionnaire âgé de 49 ans.

10 septembre: La direction annonce, lors d'une réunion d'un comité national Hygiène, sécurité et conditions de travail (CNHSCT), un train de mesures dont la suspension des mobilités jusqu'au 31 octobre, l'ouverture de négociations sur le stress dès le 18 septembre et un état des lieux réalisé par un cabinet indépendant Technologia pour fin novembre. Elle prévoit également le recrutement de 100 DRH de proximité et de médecins du travail supplémentaires.

11 septembre: Une salariée est décédée en se jetant par la fenêtre de son bureau, d'un immeuble parisien du groupe. La jeune femme, qui travaillait au service recouvrement d'Orange, venait d'apprendre qu'elle changeait de chef d'équipe.

12-13 septembre: Au lendemain du 23e suicide, le gouvernement est sur les dents. Une du Parisien, enquête du JDD: le sujet est dans tous les médias, il faut réagir. Les mesures annoncées la veille restent insuffisantes pour le ministre du Travail, Xavier Darcos, énervé de la lenteur et de la maladresse du P-DG. Il demande sa tête. Mais la ministre de l'Economie Christine Lagarde y est opposée: difficile de laisser le navire sans pilote en pleine crise alors que le dauphin Stéphane Richard, qui vient d'arriver au 1er septembre, n'est ni prêt ni partant. D'autant que, politiquement, le timing est délicat. Nicolas Sarkozy est en train de faire nommer Henri Proglio, un proche, à la tête d'EDF; difficile d'introniser en même temps Stéphane Richard, autre ami du président de la République, chez France Télécom. Xavier Darcos propose que le directeur général du Travail se rende chez France Télécom.

14 septembre : le technicien suicidaire qui s'est planté un couteau dans le ventre s'explique. "C'est le ras-le-bol qui a motivé mon geste, cela m'est venu au moment où l'on m'a précisé que je n'étais plus bon à rien".

15 septembre: Pour marquer quand même le coup, Xavier Darcos convoque Didier Lombard et lui impose une déclaration à la sortie sur un "nouveau contrat social", avec la mise en place d'une gestion prévisionnelle des emplois et compétences et une étude au cas par cas des parcours individuels. Le ministre missionne aussi le directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle, sorte de "super-intendant social de l'Etat" pour superviser la prochaine réunion du Comité d'hygiène de l'opérateur. Pas en reste, Christine Lagarde, de son côté, exige la tenue d'urgence d'un conseil d'administration - où siège le représentant de l'Etat Bruno Bézard. Réuni le jour même, il n'aura eu que le mérite d'exister.

16 septembre : Didier Lombard, s'excuse des propos qu'il a tenus la veille évoquant une "mode du suicide" au sein de son entreprise. Il avait déclaré vouloir mettre un "point d'arrêt à cette mode du suicide qui évidemment choque tout le monde".

28 septembre: Un employé saute d'un pont de l'autoroute A41, près d'Alby-sur-Chéran et laisse une lettre dénonciatrice évoquant sa souffrance par rapport à son contexte professionnel. C'est le 24e suicide. L'homme de 51 ans, qui travaillait au sein d'une centrale d'appel à Annecy-le-Vieux était marié et père de deux enfants. Didier Lombard, Louis-Pierre Wenes et le DRH Olivier Barberot se déplacent immédiatement sur les lieux. Le P-DG de l'opérateur annonce l'arrêt du programme "time to move" incitant les cadres à changer de poste tous les trois ans. Insuffisant pour Xavier Darcos, qui fait savoir qu'il a téléphoné à Didier Lombard pour exiger d'accélérer l'aboutissement des négociations sur la prévention des risques psycho-sociaux.

30 septembre: La gauche, jusqu'ici silencieuse, réclame maintenant sur tous les tons -d'Olivier Besancenot à Benoît Hamon- que Didier Lombard soit éjecté. Les syndicats enragent publiquement de ce que le P-DG n'a rien cédé d'important lors d'une réunion plénière très attendue. Pas question pour le gouvernement de donner satisfaction à l'opposition, le départ de Lombard n'est plus sur son agenda. Mais il veut montrer qu'il est mobilisé. Christine Lagarde est invitée au 20h de France 2. Elle en avertit Didier Lombard un quart d'heure avant, lui indiquant qu'elle y annoncera sa convocation le lendemain à Bercy. En fin de soirée, un conseiller du cabinet envoie une longue liste de mesures que devra annoncer le P-DG dans la foulée de son rendez-vous avec la ministre. Au menu, nombre de directives en fait déjà prises par l'opérateur mais aussi la fin définitive des mobilités et, surtout, le départ d'Olivier Barberot. On lui reproche de n'avoir assisté au conseil d'administration extraordinaire du 15 septembre que par conférence call, car il était en déplacement en Pologne!

1er octobre: Réunion tendue à Bercy. Didier Lombard ne veut pas se laisser dicter sa politique et va jusqu'à mettre sa démission dans la balance pour épargner Olivier Barberot. Pas question non plus de renoncer aux mobilités, qu'il juge nécessaire pour maintenir la compétitivité de l'entreprise. A la sortie, le PDG n'a consenti qu'au lancement d'"Assises de la refondation de France Télécom", une reformulation du "nouveau contrat social" déjà proposé par la direction du groupe le 15 septembre. Un communiqué est publié dans lequel Christine Lagarde assure Didier Lombard de sa pleine et entière confiance. Mais en coulisses, le gouvernement continue de presser le P-DG de faire tomber une tête, la manière la plus évidente de plaire aux syndicats, aux salariés et aux médias. Lombard se décide à sacrifier Wenes, l'homme symbole d'un type de management qu'il veut réformer.

2 octobre: Histoire de montrer qu'il reste en prise sur ce dossier, le ministère du Travail fait publier une lettre adressée à Combrexelle, l'instruisant de mobiliser les équipes de l'inspection du Travail pour vérifier l'effectivité sur le terrain des engagements pris par la direction, réclamant une grande vigilance et exigeant un rapport hebdomadaire.

5 octobre: Le départ de Wenes fuite via des sources gouvernementales dès 7h sur lepoint.fr, qui laisse entendre que ce serait une décision de Bercy. France Télécom, qui avait prévu un communiqué dans la matinée, se voit privé de son effet d'annonce. Du coup, la direction du groupe a du dégainer plus vite sa dernière cartouche: une concession sur la date limite du 31 octobre pour la suspension des mobilités, jusqu'ici intangible. Cette concession de taille, revendication phare des six syndicats, ne devait être annoncée qu'à l'issue de la réunion plénière entre la direction et les syndicats sur le stress du 6 octobre. Mais, pour reprendre la main, Olivier Barberot a indiqué aux syndicats dès lundi la prolongation du moratoire sur les mobilités jusqu'à la fin de l'année.

6 octobre: Stéphane Richard prend ses fonctions, en pleine grève massive du personnel. Dans un message aux salariés, il promet de mener "le renouveau social dont l'entreprise a besoin". Nouvelle tête, familier de Lagarde et proche de Sarkozy, il semble l'homme de la situation pour apaiser les relations entre France Télécom et le gouvernement... au moins jusqu'à la prochaine distribution de dividendes.

8 octobre: Au premier jour d'un "Tour de France" voulu pour enrayer la vague de suicide, la direction annonce qu'un salarié d'Evreux est arrivé mardi à son travail avec son fusil non chargé, mais a été rapidement désarmé sans violence et sans faire de blessé.

9 octobre: Le service de presse de Didier lombard pousse à nouveau le P-DG à parler à la presse après l'avoir tenu à l'écart des médias, notamment après le tollé suscité par l'expression "mode du suicide". Après une interview dans Le Parisien mercredi, le dirigeant s'exprime donc à nouveau à l'antenne d'Europe 1 vendredi pour faire son mea-culpa et reconnaître ne pas avoir "pris en compte suffisamment les signaux" de détresse du personnel.
L'idée: se refaire une image de marque. Dans son combat, il semble soutenu par le gouvernement, puisque même le très critique Xavier Darcos a assuré sur France Inter, jeudi: "Les choses ont été reprises en main. Nous avons fait une feuille de route, Didier Lombard et moi il y a quinze jours ; la direction générale du travail accompagne les travaux du CHSCT ; ils ont ouvert cinq négociations, interrompu les mutations jusqu'à la fin de l'année".

Publié dans Revue de presse

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